Correction des eaux du Jura

La correction des eaux du Jura est une vaste entreprise d'aménagements hydrauliques réalisée en Suisse dans la région des trois lacs, Neuchâtel, Morat et Bienne.

Pages similaires :

  • Correction de la Thielle supérieure entre le lac de Neuchâtel et celui de. Bienne (canal de la Thielle). - Travaux de redressement sur le tronçon fluvial... (source : schlossmuseumnidau)
  • désormais des lacs de Neuchâtel et de Morat... La chronologie de la correction des eaux du Jura est la suivante :. 1869. Début des travaux, construction... (source : doc.rero)
  • Lac de Bienne - Lac de Neuchâtel - Lac de Morat ne suffit plus.... La correction des eaux du Jura est née de l'idée que les cantons concernés doivent unir... (source : be)
Localisation de la région : en rouge, les canaux crées dans le cadre de la correction.

La correction des eaux du Jura est une vaste entreprise d'aménagements hydrauliques réalisée en Suisse dans la région des trois lacs, Neuchâtel, Morat et Bienne. Ces aménagements comprennent des opérations de curages, d'assainissement, de détournement de cours d'eau. Les travaux ont eu lieu en trois phases au cours des XIXe et XXe siècles.

La correction permet de réguler l'hydrologie de la région des trois lacs. Elle limite le risque d'inondation, surtout elle protège la région des crues de l'Aar. Elle a aussi libéré des terres en participant à l'assainissement de la zone marécageuse située entre ces lacs.

De nombreux cours d'eau ont été aménagés en Suisse. Le Rhône a subi plusieurs corrections depuis le XIXe siècle et de tels travaux sont systématiquement d'actualité[1]. Cependant, la correction des eaux du Jura est la plus grande entreprise d'aménagement fluvial jamais réalisée en Suisse[2].

Géographie

Situation hydrologique de la zone avant les travaux de correction.

Située sur le plateau suisse au pied du Jura, la région des trois lacs est membre du bassin versant du Rhin, la totalité des cours d'eaux de la région se jetant dans l'Aar, affluent du Rhin.

Avant les travaux entrepris en 1868, l'Aar n'alimentait pas le lac de Bienne, mais se divisait en plusieurs branches à partir de Aarberg pour rejoindre la Thielle, émissaire du lac, près de Büren an der Aare. En fonction des conditions météorologiques et hydrologiques, les dépôts alluvionnaires mais aussi des objets charriés par le courant pouvaient former des barrages sur le cours de l'Aar engendrant une montée des eaux en amont.

La zone concernée par la correction des eaux du Jura couvre sur environ 100 km entre La Sarraz et Luterbach sur le territoire des actuels cantons de Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Soleure, Berne et du Jura.

Histoire

Inondations avant les travaux de correction.

Des recherches archéologiques ont montré que, depuis l'âge de bronze, le niveau des lacs et des rivières est monté de plusieurs mètres, devenant une menace pour la population dès 1500[2]. De leur côté, dès le XVe siècle, les chroniques relatent des crues et des inondations régulières dans la région marécageuse du Seeland (région des trois lacs en allemand). Il est même arrivé que les trois lacs s'étendent au point de n'en former plus qu'un. De même en 1651, l'Aar déborda au point de former temporairement le grand lac de Soleure, en amont de Soleure.

Ces inondations ont eu de nombreuses conséquences sur les populations locales : dès la deuxième moitié du XVIe siècle où les premières plaintes sont enregistrées, l'appauvrissement des récoltes couplé au risque élevé d'épidémies poussent les habitants à abandonner leurs villages. Au cours des XVIIIe siècle et XIXe siècle, la recrudescence des crues que connaît la totalité du bassin hydrographique suisse contribue à l'aggravation de la situation, forçant les autorités à prendre des décisions, afin de lutter contre ces inondations[3]. Plusieurs projets sont dans ce cas lancés et des mesures sont prises, surtout la suppression de différents ouvrages situés sur le cours de la Thielle à Brügg en 1674.

En 1707, un plan de la Thielle, du lac de Bienne jusqu'à sa jonction avec l'Aar, est dressé par Samuel Bodmer un lieutenant d'artillerie et géomètre bernois. Dans cet ouvrage, il propose la réduction du cours de la rivière par la coupure d'un méandre. En 1749, Antoni Benjamin Tillier, premier fonctionnaire engagé par la Confédération pour ne s'occuper que de l'aménagement des rivières, fait curer le lit de la Thielle à Nidau ainsi qu'à Brügg.

Plus tard, deux inondations en 1831 et 1832, provoqueront la création d'un comité d'initiative à Nidau. Au milieu des années 1830, ce comité, présidé par Johann Rudolf Schneider, travaille sur un projet de détournement de l'Aar dans le lac de Bienne, et charge de cette mission, en 1840, l'ingénieur en chef du canton des Grisons Richard La Nicca[4].

Le projet de Richard La Nicca

Vue actuelle du canal de Hagneck.

Deux ans plus tard, en 1842, Richard La Nicca présente son Rapport assorti de propositions en vue de corriger les eaux du Jura[5]. Ce rapport préconise la réalisation de différents travaux, à savoir le détournement de l'Aar d'Aarberg au lac de Bienne par le canal de Hagneck, celui de l'Aar augmentée de la Thielle à la sortie du lac de Bienne par le canal Nidau-Büren ; la correction de la Broye entre les lacs de Morat et de Neuchâtel (canal de la Broye), de la Thielle entre les lacs de Neuchâtel et de Bienne (canal de la Thielle) et de l'Aar de Büren à l'embouchure de l'Emme à Luterbach. Enfin, le projet prévoit aussi l'assainissement des marécages dans le Grand Marais et les zones avoisinantes[6].

Son projet final, qui sera ensuite mis en œuvre sous le nom de première correction des eaux du Jura, est soumis aux autorités en 1852 : les différentes opérations sont classées en trois catégories[7] :

Première correction (1868-1878)

¦¦ Tronçons transformés ou créés. ¦¦ Canaux d'assainissement.

Un arrêté fédéral, pris en 1857, prescrit la réalisation du projet de Richard La Nicca comme œuvre commune de la Confédération et des cantons de Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Berne et Soleure. Dans un premier temps, seuls certains travaux de la première catégorie sont entrepris. Des travaux plus lourds (catégorie 2 ou 3) ne sont dans ce cas pas réalisables faute de moyens financiers, de vision politique et de connaissances techniques[7]. Cette décision est accompagnée d'un crédit de cinq millions de francs pour accomplir une première tranche de travaux.

Les travaux commencent en 1868, soit 28 ans après les premiers débats des travaux du comité. Selon l'arrêté fédéral de 1867, la Confédération devait assumer la surveillance des travaux ; les autorités délèguent finalement cette charge à Richard La Nicca et William Fraisse[8] dont les tâches consistent à superviser les chantiers et en rendre compte aux responsables politiques.

Pour les travaux de la première correction, deux corrections sont distinguées, l'inférieure et la supérieure : la correction inférieure regroupe la déviation de l'Aar et ses travaux associés autour du lac de Bienne ; la correction supérieure regroupe les travaux en amont de la Thielle (lac de Neuchâtel et Morat). La correction inférieure est aussi appelée «correction bernoise», en effet les travaux concernant les zones en aval de Büren ayant été repoussés à des dates indéterminées la correction inférieure ne concernait plus que le territoire bernois.

Correction inférieure dite bernoise

Travaux lors du percement du canal de Nidau Buren.

La correction bernoise commença par la construction du canal de Nidau-Büren, puisqu'avant de déverser les eaux de l'Aar dans le lac de Bienne, d'anciennes déconvenues avaient montré qu'il était nécessaire d'aménager, et par conséquent d'élargir, le cours de la rivière émissaire de ce lac : lors des travaux de déviation de la Kander entre 1711 et 1714, la rivière avait été détournée dans le Lac de Thoune sans prévoir d'aménagements sur la rivière émissaire du lac, ce qui provoqua des inondations. Cet épisode servit de leçon aux travaux hydrologiques en Suisse. Dans le cas du lac de Bienne l'augmentation du débit entrant dû à l'Aar a été estimée à 290 %[9].

Peu de temps après le début des travaux du canal, le niveau du Lac de Bienne diminua, les travaux situés en amont de ce lac commencèrent. En 1873, le creusement du canal de Hagneck débuta. La principale difficulté de ses travaux fut la traversée des collines de Seerücken, ce passage long de 900 m et profond de 34 m nécessita l'excavation d'un million de m3 de matériaux.

Correction supérieure

L'ingénieur en chef dirigeant cette partie des travaux fut le neuchâtelois Henri Ladame. Le premier chantier fut en 1874 le creusement du canal de la Broye entre les lacs de Morat et Neuchâtel : la Broye reliait déjà les deux lacs, les travaux ont eu pour rôle de rectifier et d'élargir son cours. En 1875, le canal de la Thielle fut entrepris entre les lacs de Neuchâtel et Bienne, ces travaux ayant le même but que pour le canal de la Broye : rectification et élargissement du cours.

Achèvement des travaux

Avec ces quatre canaux et divers barrages de régulation, le niveau des trois lacs diminua d'environ 2,5 mètres, et il fallu adapter différentes choses à ce nouveau niveau, surtout les bateaux à vapeur de grande taille qui effectuaient déjà un certain trafic sur les lacs, mais aussi les ports et les quais.

Un vaste réseau de petits canaux de drainage fut aussi creusé afin d'assainir tous les marais situés entre les lacs. Ces travaux sont appelés correction intérieure.

Résultats et conséquences

Conséquence de cet ensemble de travaux, la situation hydrologique du Seeland a changé : le niveau des lacs de Morat, Neuchâtel et Bienne s'est abaissé d'environ 2,5 mètres, et ils ont formé comme un unique réservoir fonctionnant sur le principe des vases communicants, de plus l'Aar passe dorénavant par le lac de Bienne.

Toutes ces modifications ont eu différentes conséquences sur les rives des lacs et sur la zone marécageuse intermédiaire. Les lacs ont diminué en superficie : le lac de Neuchâtel perdant 23,7 km2, le lac de Bienne 3,3 km2 et le lac de Morat 4,6 km2. Les travaux de la première correction des eaux du Jura ont eu les effets escomptés et sont reconnus comme un succès, cependant des inquiétudes naquirent, concernant surtout l'affaissement d'anciennes tourbières suite à l'oxydation de la tourbe exposée à l'air par la baisse du niveau de l'eau. L'assainissement et l'aménagement des terrains plats entre les trois lacs ont pris quelques décennies, mais ils sont devenus de vastes zones fertiles.

La Nicca avait prévu la nécessité de la seconde correction des eaux du Jura, conçue pour consolider les résultats obtenus par la première.

Mise en service en 1939 du barrage de régulation de Port

Barrage de régulation de Port.

Durant la première correction, un barrage provisoire est édifié sur le canal de Nidau-Büren afin de maintenir le niveau d'eau dans le lac de Bienne. Il est rapidement remplacé par un nouvel ouvrage en 1887. Celui-ci montre ses limites, surtout lors d'une crue en 1910.

La construction du barrage de régulation de Port est entreprise en 1936 et achevée en 1939 : ce barrage permet le contrôle du niveau des trois lacs et du débit de l'Aar, les trois lacs servant de zone tampon absorbant les eaux de l'Aar en cas de crue.

Seconde correction

Les travaux de la deuxième correction furent moins lourds que ceux de la première. En partie déjà envisagés par La Nicca, ces travaux se sont déroulés entre 1962 et 1973[10]. Ils ont principalement porté sur la construction du barrage de Flumenthal. Le cours de l'Aar a de nouveau été corrigé entre Büren et Flumenthal afin de faire disparaître le verrou de l'Emme. Les canaux de la Broye, de la Thielle et Nidau à Büren ont été élargis et approfondis, leurs rives étant aussi aménagées.

Cette deuxième correction des eaux du Jura a permis de diminuer encore les variations de niveau des trois lacs : d'une part, le niveau des hautes eaux a été adapté à l'affaissement des terres, soit abaissé d'un mètre environ ; d'autre part, le niveau d'étiage a été relevé de quasi un mètre, au profit de la navigation fluviale, de la pêche et du paysage. L'Aar est navigable entre Bienne et Soleure, un service régulier de bateaux y a été établi.

Depuis l'achèvement de la deuxième correction des eaux du Jura, aucune grande inondation n'a eu lieu dans le Seeland.

Condition de Murgenthal

La condition de Murgenthal est une règle fixée dans le cadre de la correction des eaux du Jura. Elle stipule que le débit de l'Aar ne doit pas dépasser 850 m3/s à la station limnimétrique de Murgenthal[11]. Murgenthal est situé en aval de la confluence de l'Aar et de l'Emme.

Lorsque le débit de l'Emme augmente le débit de l'Aar augmente aussi en aval de leur confluence ; ce qui peut engendrer des crues en aval dans les cantons de Soleure et d'Argovie. Ainsi, la condition de Murgenthal fixe le débit que l'Aar ne doit pas dépasser : si le débit augmente trop, le barrage de Port limite le débit de l'Aar en amont, les trois lacs servant à absorber la crête de la crue de l'Aar ; une fois que le débit de l'Emme le permet le barrage de régulation de Port laisse de nouveau passer l'Aar avec un fort débit.

Situation au début du XXIe siècle

La correction des eaux du Jura a mis en place un système de gestion du débit de l'eau dans l'Aar. Cette situation a cependant montré ses limites avec la survenue d'innondations l'été 2007. En effet, en août 2007 le débit de l'Aar est monté à 1 260 m3/s à Murgenthal et le lac de Bienne a dépassé sa limite de crue de 54 centimètres[11].

Annexes

Bibliographie

Liens externes

Notes et références

  1. [pdf]canton du Valais, «Plan sectoriel 3ème correction du Rhône». Consulté le 7 août 2008
  2. ab [pdf]Daniel L. Vischer, «Histoire de la protection contre les crues en Suisse», 2003), OFEG (Office fédéral des eaux et de la géologie). Consulté le 7 août 2008, page 105
  3. [pdf] Mario Annoni, «Terres du lac - L'histoire de la correction des eaux du Jura» sur www. schlossmuseumnidau. ch, Fondation du château de Nidau. Consulté le 21 mai 2008
  4. La Nicca, Richard en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  5. Richard La Nicca, Rapport et propositions concernant la correction des eaux du Jura : Présenté à la Direction de la Société de fondation pour la correction de ses eaux. , J. A. Weingart, Berne, 1842 (OCLC 79116561)
  6. Correction des eaux - Les grandes déviations des XVIIIe et XIXe siècles en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  7. ab Selon Peter citées dans Histoire de la protection contre les crues en Suisse, page 106
  8. Selon Alphonse Alexis Debauve, Manuel de l'ingénieur des ponts et chaussées, rédigé conformément au programme annexé au décret du 7 mars 1868 réglant l'admission des conducteurs des ponts et chaussées au grade d'ingénieur, Dunod, Paris, 1871
  9. Selon Schnitter en 1992, cité dans Histoire de la protection contre les crues en Suisse, page 111.
  10. canton de Berne), «Correction des eaux du Jura» sur Site du canton de Berne. Consulté le 7 août 2008
  11. ab Communiqué de la confédération suisse au sujet des inondations de 2007

Recherche sur Google Images :



"... avant les travaux de correction."

L'image ci-contre est extraite du site fr.wikipedia.org

Il est possible que cette image soit réduite par rapport à l'originale. Elle est peut-être protégée par des droits d'auteur.

Voir l'image en taille réelle (300 x 274 - 43 ko - png)

Refaire la recherche sur Google Images

Recherche sur Amazone (livres) :

Chercher sur Amazone Refaire la recherche


Ce texte est issu de l'encyclopédie Wikipedia. Vous pouvez consulter sa version originale dans cette encyclopédie à l'adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Correction_des_eaux_du_Jura.
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 13/11/2008.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.
Accueil Recherche Aller au contenuDébut page
ContactContact ImprimerImprimer liens d'évitement et raccourcis clavierAccessibilité
Aller au menu