Forêt hercynienne

La forêt hercynienne ou forêt d'Orcynie (Hercynia, Orcynia, Orcunion... ) est le nom donné dans l'Antiquité à une très vaste forêt qui était située dans l'Europe de l'Ouest avant l'ère chrétienne.

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À la fin du XVe siècle la forêt a fortement reculé, hormis localement pour quelques forêts royales, assez épargnées pour les besoins de chasse de la noblesse (Meister des Hausbuches, Hochwildjagd, vers 1485-1490 ; Cabinet royal des images, Rijksmuseum, Amsterdam).

La forêt hercynienne ou forêt d'Orcynie (Hercynia, Orcynia, Orcunion... ) est le nom donné dans l'Antiquité à une très vaste forêt qui était située dans l'Europe de l'Ouest avant l'ère chrétienne.

Elle est citée par Jules César dans sa Guerre des Gaules[1], mais aussi par Tacite, Tite-Live et d'autres auteurs antiques ou plus récents (Diodore de Sicile, Cellarius... ).

César la situe clairement dans l'Europe continentale, au nord-est de la forêt d'Ardenne (laquelle s'étendait bien plus à l'est que aujourd'hui). Pour les auteurs antiques, l'Orcynie s'étendait sur les territoires de peuples dits germains.

Étymologie

L'étymologie du nom de la forêt hercynienne n'est pas claire. Il pourrait avoir un lien avec celui du peuple des Hercuniates. Une autre hypothèse le rapproche d'un mot celte *Ercunia issu d'une racine indo-européenne *perku- signifiant «chêne», qu'on retrouve aussi dans le latin quercus et le lituanien perkūnas. On trouve en gotique la forme fairguni qui veut dire "montagne" et une forme latinisée issue du germanique Fergunna désignant les Monts métallifères au Moyen-Age.

Les encyclopédistes du XVIIIe siècle avaient fait une autre hypothèse : hercynien pourrait dériver du mot allemand Hartz. On lisait par exemple dans l'Encyclopédie méthodique de géographie moderne de 1782 :

«En latin Hercinia Sylva, vaste forêt de la Germanie, dont les anciens parlent beaucoup, & qu'ils imaginaient traverser toute la Celtique. Plusieurs auteurs frappés de ce préjugé, prétendent que les forêts nombreuses qu'on voit actuellement en Allemagne, sont restes dispersés de la vaste forêt Hercynienne ; mais il faut remarquer ici que les anciens se font trompés, lorsque ils ont cru que le mot hartz étoit le nom spécifique d'une forêt ; au lieu que ce terme ne désignoit que ce que désigne celui de forêt en général. Le mot arden, d'où s'est formé celui d'Ardennes, & qui n'est qu'une corruption de hartz, est pareillement un terme générique qui veut dire toute forêt sans différention. Aussi Pomponius Mela, Pline, & César se font abusés dans leurs descriptions de la forêt Hercynienne. Elle a - dit César - douze journées de largeur ; & personne, ajoute-t-il, n'en a trouvé le bout, quoiqu'il ait marché soixante jours[2]

Evidemment toutes ces hypothèses du 18ème siècle basées sur de pures spéculations sans fondement linguistique, puisque cette science n'existait pas, sont à prendre avec une extrème réserve.

Sources historiques

Alors qu'une partie significative des forêts d'Europe de l'Ouest est déjà défrichée au profit de l'agriculture, Jules César dans un chapitre consacré à la description des Germains, l'un des peuple qu'il combat lors de sa conquête de la Gaule, évoque «les terres les plus fertiles de la Germanie», qu'il situe «près de la forêt Hercynienne», qui précise-t-il lui «paraît avoir été, par la renommée, connue d'Ératosthène et de quelques autres Grecs, sous le nom d'Orcynie.» Ces terres ont selon lui été envahies par les Volques et les Tectosages, qui s'y fixèrent dans le passé et qui jusqu'à son époque s'y sont maintenues en jouissant d'une «grande réputation de justice et de courage».

César la décrit comme suit :

«La largeur de cette forêt d'Hercynie, dont il vient d'être fait mention, est de neuf journées de marche accélérée, et ne peut être autrement déterminée, les mesures itinéraires n'étant point connues des Germains. Elle prend naissance aux frontières des Helvètes, des Némètes et des Rauraques, et s'étend, en suivant le cours du Danube, jusqu'aux pays des Daces et des Anartes  : de là elle tourne sur la gauche, en s'éloignant du fleuve ; et, dans son immense étendue, elle borde le territoire d'une foule de nations ; il n'est point d'habitant de ces contrées qui, après soixante jours de marche, puisse dire avoir vu où elle finit, ni savoir où elle commence.»

Pomponius Mela, premier géographe romain dont l'histoire ait gardé trace, dans sa Description de la Terre, au début de notre ère, écrit :

«Le sol est entrecoupé d'une multitude de fleuves, hérissé de montagnes, et en grande partie impraticable à cause des bois et des marais. Ses plus grands marais sont le Suesia, l'Estia et le Melsiagum ; ses forêts les plus étendues sont l'Hercynie, et quelques autres, qui ont aussi un nom ; mais, comme celle-là couvre un terrain de soixante jours de marche, et qu'elle est la plus considérable, elle est aussi la plus connue[3]

Tite-Live, dans son Histoire Romaine, lorsqu'il évoque deux chefs gaulois qui ont vécu plus de quatre cents ans avant César insiste sur la barrière des Alpes et ne parle pas d'une forêt hercynienne mais des «forêts hercyniennes»[4], ce qui est peut-être un indice pouvant laisser penser que la forêt n'est pas homogène mais composée de plusieurs massifs, ou qu'elle est déjà fragmentée par des voies de circulation gauloises et des abattis y autorisant l'agriculture.

«Le sort assigna à Segovesos (ou Ségovèse) les forêts hercyniennes; à Bellovesos (ou Bellovèse), les dieux montrèrent un plus beau chemin, celui de l'Italie. Il nomma à lui, du milieu de ses surabondantes populations, des Bituriges, des Arvernes, des Héduens, des Ambarres, des Carnutes, des Aulerques ; et, partant avec de nombreuses troupes de gens à pied ainsi qu'à cheval, il arriva chez les Tricastins. Là, devant lui, s'élevaient les Alpes

Comme les autres grandes forêts, elle semble avoir fréquemment abrité plusieurs peuples gaulois, au moins sur ses abords, et aussi les populations ou individus qui fuyaient les invasions ou les attaques des légions romaines.

De nombreuses tribus et peuples vivent dans autour de cette forêt, voire à l'intérieur de celle-ci, surtout dans un canton fertile situé en son centre, nous explique Strabon[5] :

«Il s'en faut bien néenmoins que ces montagnes de la Germanie atteignent à l'immense altitude des Alpes. C'est dans cette partie de la Germanie que couvre la forêt Hercynienne, et que se trouve répandue la nation des Suèves. Quelques tribus suéviques, celle des Quades surtout, habite l'intérieur même de la forêt» Strabon précise qu'«on y rencontre aussi des Boiæmum (Bohémiens ?) » et que le roi Marobod «pour la peupler, y a transplanté naguère différentes tribus, celle entre autres des Marcomans, ses compatriotes» (.. ) «La plus remarquable de ces forêts, la forêt Hercynienne, couvre de ses hautes et épaisses futaies les pentes abruptes de tout un massif de montagnes, cercle immense ayant pour centre ce canton fertile et peuplé dont nous avons parlé plus haut, qu'avoisinent les sources de l'Ister et du Rhin, le lac situé entre deux et les marais formés par les débordements du Rhin. Le circuit de ce lac est de plus de 500 stades, et sa traversée en ligne droite de près de 200. Il s'y trouve en outre une île dont Tibère fit sa base d'opérations dans le combat naval qu'il livra aux Vindéliciens. Ajoutons que le dit lac se trouve, être, comme la forêt Hercynienne elle-même, plus méridional que les sources de l'Ister, et qu'il faut nécessairement, lorsque on vient de la Gaule et qu'on veut traverser la forêt Hercynienne, franchir d'abord le lac, puis l'Ister, après quoi des chemins plus faciles vous conduisent par une suite de plateaux ou de hautes vallées jusqu'au cœur de la forêt. Tibère avait laissé le las à une journée de marche derrière lui, lorsque il rencontra les sources de l'Ister. Bordé dans une faible partie de sa circonférence par les Rhétiens, le même lac l'est sur un espace bien plus étendu par les Helvètes et les Vindéliciens. [Puis, aux Vindéliciens du côté de l'E. succèdent les Noriques) et le désert des Boïens, lequel couvre jusqu'à la Pannonie».

Un peu plus loin, le même Strabon précise[6] : «Pour ce qui est de la Germanie méridionale au delà de l'Elbe, nous dirons qu'elle se trouve, dans la partie du moins qui touche au fleuve, encore occupée par des tribus Suéviques, mais qu'aux Suèves succèdent bientôt les Gètes. Le pays qu'habitent ceux-ci débute par être fort resserré : bordé au midi par l'Ister, il longe du côté opposé les montagnes de la forêt Hercynienne, qui y projette même quelques contreforts, après quoi il s'élargit et couvre vers le Nord jusqu'au pays des Tyrégètes. Nous ne pouvons pas malheureusement déterminer avec précision la limite qui sépare les deux peuples. On est si ignorant de la topographie de ces contrées qu'on a admis l'existence des Monts Riphées et des Hyperboréens et pris au sérieux cette double fiction des mythographes, mais aussi les mensonges du Massaliote sur les pays qui bordent l'Océan boréal, mensonges à vrai dire habilement déguisés sous un grand appareil de science astronomique et mathématique».

Quelques décennies plus tard, Tacite [7] évoque cette forêt à propos de Maroboduus, qu'il décrit :

«(.. ) comme un fuyard, qui s'était sauvé sans combat dans la forêt Hercynienne, et, du fond de cet asile, avait mendié la paix par des présents et des ambassades ; un traître à la patrie, un satellite de César qu'il fallait poursuivre avec cette même furie qui les animait lorsque ils tuèrent Varus Quintilius (.. ) " Dans un autre ouvrage[8] tacite évoque les Helvètes qui «s'établirent entre la forêt Hercynienne, le Rhin et le Main, alors que les Boiens se fixaient encore plus à l'intérieur. Ce sont deux peuples gaulois. Le nom de Bohème subsiste encore, qui évoque d'antiques souvenirs liés à ce lieu, même si les occupants en ont changé». Un peu plus loin[9], il précise «"Au-delà des Mattiaques, on découvre, du côté de la Forêt Hercynienne, les premiers établissements des Chattes. Ceux-ci ne vivent pas dans des lieux aussi vastes et marécageux que les autres tribus disséminées en Germanie. Les collines se prolongent sans interruption pour progressivement se raréfier et la Forêt Hercynienne escorte ses Chattes tout en les protégeant».

Plus de 300 ans après Jules César, cette forêt bien qu'encore riche en «bêtes fauves» n'est plus une vierge de présence humaine, comme nous rappelle l'empereur Julien qui selon ses dires[10] y aurait lui-même vécu :

«Vous ne devez par conséquent pas vous étonner si je suis actuellement dans les mêmes sentiments envers vous, moi, un sauvage, plus farouche et plus fier que Caton, comme les Celtes le sont plus que les Romains. Caton, restant dans la ville qui l'avait vu naître, parvint à une grande vieillesse au milieu de ses concitoyens. Et moi, à peine arrivé à l'âge viril, j'ai séjourné parmi les Celtes et les Germains, en pleine forêt Hercynienne, et j'ai vécu avec eux durant longtemps, comme un chasseur en lutte et en guerre avec les bêtes fauves, mêlé à des gens qui ne savent ni faire la cour, ni flatter et qui préfèrent à tout le reste la simplicité, la liberté et l'égalité».

Peut-être tant elles étaient communes, la Table de Peutinger ne représente qu'une seule forêt et n'en cite que peu ; (la forêt des Vosges (Vosegus) et la Forêt Marciana, parallèle au Rhin et située entre Augusta Ruracum (Augst) et Aris Flauio (Rottweil), laissant penser qu'il s'agit d'une forêt correspondant aux actuelles forêts de la Forêt-Noire (Abnoba) et du Jura Souabe (Alpeiois, Alpeion ou Alpeios). On peut penser au vu des textes de César[11] qu'il s'agit d'une petite partie de la forêt Hercynienne, puisque cette dernière "prend naissance aux frontières des Helvètes, des Némètes et des Rauraques".

Une partie de cette forêt, située plus à l'ouest, ainsi qu'une partie de la forêt d'Ardenne seront plus tardivement (haut moyen-âge) connues sous le nom de forêt charbonnière.

Beaucoup plus tard, alors que la forêt de l'Europe de l'Ouest est réduite à l'état de reliques, Diderot et les encyclopédistes peinent à croire que la forêt hercynienne ait jamais pu exister :

«(... ) Plusieurs auteurs frappés de ce préjugé, prétendent que les forêts nombreuses qu'on voit actuellement en Allemagne, sont des restes dispersés de la vaste forêt Hercynienne : mais il faut remarquer ici que les anciens se sont trompés, lorsque ils ont cru que le mot hartz étoit le nom spécifique d'une forêt; au lieu que ce terme ne désignoit que ce que désigne celui de forêt en général.» Ils estiment de même que «le mot arden, d'où s'est formé celui d'Ardennes (... ) est pareillement un terme générique qui veut dire toute forêt sans différention. Aussi Pomponius Mela, Pline, & César se sont abusés dans leurs descriptions de la forêt Hercynienne. Elle a, dit César, [p. 133] 12 journées de largeur; & personne, ajoûte - t - il, n'en a trouvé le bout, quoiqu'il ait marché 60 jours (... )

»[12]

Faune de la Forêt hercynienne, selon César

Les aurochs et les bisons ont survécu dans la forêt hercynienne. L'Urus est selon César un gibier réputé.

Le mystère de cette forêt est renforcé par la description que César fait de ses habitants :
Jules César relate ce qu'on lui en a dit :

«On assure qu'il s'y trouve plusieurs espèces d'animaux sauvages qu'on ne voit pas ailleurs. Celles qui changent le plus des autres et qui paraissent mériter une mention spéciale, les voici ;On y rencontre un bœuf, ayant la forme d'un cerf et portant au milieu du front, entre les oreilles, une seule corne, plus élevée et plus droite que les cornes qui nous sont connues. À son sommet, elle se partage en rameaux très tendus, semblables à des palmes. La femelle est de même nature que le mâle ; la forme et la grandeur de ses cornes sont les mêmes.
Il y a aussi des animaux qu'on nomme élans. Leur forme se rapproche de celle d'une chèvre ; ils ont la peau tachetée, mais la taille un peu plus haute. Ils sont sans cornes, et leurs jambes, sans jointures ni articulations ; ils ne se couchent point pour dormir, et si quelque accident les fait tomber, ils ne peuvent se soulever ni se redresser. Les arbres leur servent de lits ; ils s'y appuient et prennent leur repos, ainsi inclinés légèrement. Lorsqu'à leurs traces les chasseurs découvrent les lieux qu'ils fréquentent, ils y déracinent tous les arbres, ou les coupent à fleur de terre, de manière qu'ils conservent encore toute l'apparence de la solidité. Ces animaux viennent s'y appuyer, selon leur coutume, renversent ce frêle appui par leur poids, et tombent avec l'arbre.
Une troisième espèce porte le nom d'urus. La taille de ces animaux est un peu moindre que celle des éléphants ; leur couleur et leur forme les font ressembler au taureau. Leur force et leur vélocité sont aussi remarquables ; rien de ce qu'ils aperçoivent, hommes ou bêtes, ne leur échappe. On les tue, en les prenant dans des fosses disposées avec soin. Ce genre de chasse est pour les jeunes gens un exercice qui les endurcit à la fatigue ; ceux qui ont tué le plus de ces urus en apportent les cornes en public, comme trophée, et reçoivent de grands éloges. On ne peut les apprivoiser, même dans le jeune âge. La grandeur, la forme et l'espèce de leurs cornes changent énormément de celles de nos bœufs. On les recherche avidement, on les garnit d'argent sur les bords, et elles servent de coupes dans les festins solennels.»

Notes

  1. Guerre des Gaules, Livre VI, 26,27,28.
  2. Voir page xxx de l'Encyclopédie méthodique de géographie moderne imprimée à Paris, M DCC. LXXXII (1782), Chez Plomteux, Imprimeur des états (... ).
  3. Description de la Terre, III, 3.
  4. Histoire Romaine, V, 34.
  5. Strabon Géographie, VII, 1,3,5
  6. Strabon, Géographie, VII, 3,1
  7. tacite, Annales, II, 45
  8. Tacite, Germanie, XXVIII 2
  9. Tacite, Germanie, XXX, 1
  10. Julien, Misopogon, XXI
  11. Commentaire de la Guerre des Gaules, VI, 25
  12. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers

Voir aussi

Liens externes

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"... Forêt hercynienne, selon César"

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